Je m’étais levé très tôt, ce matin – aurais-je dû donc dire cette nuit. Deux heures après minuit, voilà que moi, Christopher Adams, majordome personnel de la Reine de Cœur, décidait d’aller faire une jolie petite balade dans la forêt, à la recherche, bien sûr, de ma petite minette, Chester.

La lune resplendissait de tous ses feux dans le ciel nocturne, mais même la lumière spectrale du radieux astre ne suffisait pas à éclairer mon chemin dans la forêt qui entourait le Palais de Cœur. J’errai apparemment sans but à travers les étroits sentiers, évitant habilement les branches qui risquaient de déchirer ma magnifique cape blanche, ainsi que le reste de mes vêtements. Or, la nuit était glaciale, et je préférai rester au chaud, malgré que je n’eut aucune objection à rencontrer Chester dans des habits à moitiés déchirés.

Le temps semblait s’être arrêté lorsque je crus entendre son rire résonner à travers les arbres. Hélas, ce n’était probablement que mon imagination qui me jouait des tours. Vint alors un moment où je me demandai ce que je faisais, me promenant ainsi dans une sinistre forêt aux petites heures du matin alors que je devrais être au palais pour servir Ma Reine – on ne sait jamais, elle aurait peut-être pu se réveiller en plein milieu de la nuit pour… pour n’importe quoi, c’était la Reine après tout, et je me devais de la servir sans mot dire.

Je ricanai devant mon choix de mots ; j’avais dit cela (enfin, pensé cela) avec une pointe de dédain, ou ce qui me sembla l’être, comme si je répugnais de servir Ma Reine, chose que je n’aurais jamais pu envisager. Je passai une main dans mes cheveux blancs – non pas de vieillesse, mais d’un léger albinisme – tout en soupirant. Chester ne montra aucun signe de vie cette soirée là, ou plutôt cette matinée, mais je restai tout de même adossé à un arbre, perdu dans mes pensées comme un poète qui révise son dernier recueil.

L’aube se leva quelques heures plus tard, teintant l’encre du ciel d’un doux rosé et d’un cyan pastel, le rideau d’étoiles se retirant pour laisser sa place à la lumière du jour. Un radieux soleil se levait sur l’horizon lointaine, dardant ses rayons ardents sur la terre qui était nôtre. Des nuages cotonneux aussi blancs que ma chevelure semblaient gambader dans le ciel de ce magnifique samedi matin. Je tardais à rentrer au palais, j’aurais aimé piquer une jasette avec Chester – une telle ambiance était parfaite pour un petit flirt – et admirer la beauté du Royaume De Cœur, hélas le devoir m’appelait, et c’est avec une pointe de regret que je retournai au château, en espérant que la Reine dormait toujours, et que cette rébellion en mon cœur n’était que le résultat d’une folie passagère.